Pourtant le poète continue de les explorer et de les préférer aux rives du réel. Le géant colle si bien à son rôle de père que l’enfant ne peut résister à formuler sa prière : « Oh, s’il te plaît, sois mon père ! « Ai-je voulu me moquer, certes non ». Le chant triste du rossignol est signe du départ prochain d’Ulysse. Parvenu à ce seuil onirique, le poète accueille l’enfant qui est en lui. Mais il introduit aussitôt une variante fondée sur l’opposition « mais c’était en voyage ». Non plus en proie aux eaux de la mer et du ciel, mais au « vent froid » et « à la nuit ». Le point de départ d’une complicité, d’un lien, d’un échange. Commentaire de texte de 2 pages en littérature : Yves Bonnefoy, Les planches Courbes. Le poète énumère les images porteuses de sens, « l’ancre  », « le bois », « l’étincelle », « la première parole », « le premier feu ». La rencontre Désir de « la ligne basse d’un rivage », promesse de clarté, au cœur même des « ombres » et de la « nuit ». » Car le souvenir du père, tel que l’enfant l’a surpris en ce matin d’été, lui est une souffrance. Arche de Noé sans vie, la maison natale semble appartenir aux temps bibliques. Pourtant, alors même que les conditions semblent réunies pour donner au langage la possibilité de se métamorphoser en poésie, l’inspiration semble se dérober : « La voix que j’écoute se perd... ». Les Planches courbes est un recueil de poésies d'Yves Bonnefoy publié en 2001 aux éditions du Mercure de France. L’exaltation de l’enfant explose dans la seconde strophe en même temps que le jour. Le rossignol, symbole chez les anciens (Ovide, Métamorphoses, VI) de l’inspiration poétique, lui a ouvert la voix/voie ! », le passeur oppose l’argument de son état : « Ton père ! À la différence de l’épisode précédent qui ne présentait qu’un lieu aux frontières imprécises, ce nouveau pan de rêve se déroule en trois lieux différents, répartis sur deux laisses. Cette fois-ci, alors que dans les deux autres poèmes il déambulait d’une salle à une autre, l’enfant est immobile. Une troisième fois pour évoquer la vie dans ce monde : « on ne sait si des mains ne se tendent pas du sein de l’inconnu… ». Le père est semblable à ce matin d’été dans lequel il se tient, « immobile ». Une douceur qui contraste étrangement avec la violence du monde dans lequel surgit ce visage : « D’une douceur de plus et autrement que ce qu’est le monde ». Les sensations premières éprouvées en amènent d’autres, comme la notion de l’espace : « le bas du fleuve », « l’estuaire ». | Manfarinu, l’âne de Noël ». « Les grandes voiles » rassembleuses La poésie, devenue incapable de dire le « grand corps chaleureux du monde », de relier entre eux les hommes par le livre, se dérobe, emportant, dans son incapacité à donner sens aux choses, jusqu’à notre « désir ». Cours sur Les Planches Courbes 4/35 Le père d’ Yves Bonnefoy est ouvrier aux chemins de fer et il meurt en 1936. Au seuil du voyage poétique se fait la demande. Mais, jalouse peut-être, Vénus veille à ce que le navigateur ne s’abandonne pas trop longtemps « sur la couche de son plaisir ». Afin peut-être qu’il ouvre les yeux sur ses erreurs, sur ses errements. Mais cette fois-ci, Bonnefoy met clairement la déesse dans la position de quelqu’un qui demande, qui attend un secours, une aide. L’enfant apparaît donc dans ce récit comme une figure salvatrice. Interprétation personnelle Bonnefoy évoque en outre le passage de l'enfance à l'âge adulte. 3. Il se produit alors une scène étrange. Les « larmes » qu’elle verse sont celles du chagrin. Pourtant, la question à peine formulée, l’enfant bouleversé par l’émotion que le manque du père suscite en lui, éclate en sanglots, « la voix brisée par les larmes. Le passage des seuils Est présente aussi « l’espérance », annoncée implicitement dans La Maison natale XI par l’image du « chardon bleu ». Le rythme régulier est celui du décasyllabe. Le ton est injonctif : « Allons, dit-il. La longue interrogation, portée par le conditionnel « seraient », semble investie par les désirs des hommes. Écart qui s’accentue encore lorsque le poète évoque son amour et son désespoir. Dans la seconde strophe du poème XII de La Maison natale, le poète revient sur le rêve de sa rencontre avec la déesse. » » Cours lent du fleuve déjà en partie absorbé par « le bruit des voûtes de la mer ». Elle se charge de toute sa force symbolique. Les six autres mois, elle rejoindra sa mère à la lumière. Mais les incertitudes oniriques du poète demeurent et il doute de la capacité du monde à se construire « sans guerre, sans reproche ». Qui prolonge le thème du naufrage ; quant à la seconde strophe, elle est à mettre en relation avec le poème III de La Maison natale, puisque Cérès, qui réapparaît ici, est la figure centrale sur laquelle se clôt le recueil. 4. 1. Mais l’enfant s’obstine à garder le visage collé aux planches. DEUXIÈME VOLET Sans doute cette partie du rêve a-t-elle toujours toute sa force dans la mémoire du poète. Touffu d’abord, inquiétant, le rêve, chargé d’images sombres, est soumis à l’agitation. Il manque la voix. C’est que, malgré ses résistances, le géant est advenu jusqu’à cette figure du père, depuis qu’il a pris l’enfant sur ses épaules. Dans l’univers clos de la salle à manger, dont les « volets sont fermés contre la chaleur ». Risque d’autant plus grand que le nom de la poésie n’est plus aimé et que, la nommer, c’est la faire exister parmi les « ruines de la parole. La vengeance de Cérès ne peut être que mortelle. Pourtant, dans la strophe suivante, le poète réitère à nouveau la confiance qu’il a dans la poésie. Lui qui n’a pas encore accédé à la relation fondamentale et fondatrice du fils au père ! La première « maison natale », celle qui voit le premier réveil du narrateur, se trouve sur un récif battu par les vagues : « C’était la maison natale, l’écume s’abattait sur le rocher. Cependant le rêve, ancré dans la durée, est lié au souvenir. Ces paroles apaisantes sont celles qu’un père donne à son enfant pour le rassurer face au danger qui se présente. Le titre du recueil, Dans le leurre des mots, fait écho au titre d’un recueil antérieur : Dans le leurre du seuil (Mercure de France, 1975). Ce qui importe ici, c’est que cette parole enveloppe l’enfant, le traverse. Le géant, lui, ne connaît pas cette stabilité ; il est un nomade du fleuve et sa maison ce sont « les joncs de la rive ». Le père Le « nautonier » et sa barque d’abord, l’enfant ensuite. Chaque arcane proposant un grand nombre de figures (situations, personnages, objets, vertus). Et de la mort. L’approche de la mort se fait sentir à travers le réseau d’images que draine le « navire ». Qui est Cérès ? La barque, déjà présente dans certains épisodes du Leurre du seuil, ou de La Maison natale, est là, elle aussi. Attirance pour la beauté, pour la magie d’Armide et de son jardin, pour le langage. », le passeur répond. » La poésie affirme ici, dans le dialogue qu’elle entretient avec le poète, son rôle fondateur. Constitué de deux parties, le poème X se caractérise par la présence d’une nouvelle parenthèse, dans laquelle s’insère l’évocation de la mort. Diverses figures apparaissent alors, dont celle, essentielle, de Cérès. La montée de l’angoisse Dès lors, « la maison natale » apparaît, qui surgit au sortir du rêve et transcendée par lui. Si la « sans-visage » est Eurydice, l’enfant ne pourrait-il pas être Orphée, qui tente désespérément de racheter son erreur en voulant aider la « sans-visage » à passer de l’autre côté de la porte ? La collecte des souvenirs passe par le contact étroit avec le corps et par l’enserrement. Pourtant, les désirs imaginés ne se sont pas réalisés, et le poète, qui se reconnaît dans Ulysse, affirme aussi sa différence – la sienne et celle des hommes - d’avec Ulysse. Itinérance dans La Maison natale 7. « L’eau frappait les pieds de la table, le buffet. » Cette tâche semble réjouir l’enfant : « et je riais ». La question du père Se souvenir d’Ithaque. Ou disent autre chose que ce qui est… » (page 73) Le poème s’ouvre sur la formule rituelle « Je me souviens », celle-là même qui fait remonter le passé à la mémoire. *Janus bifrons : l’un des plus anciens dieux du panthéon romain. Le face-à-face des parents • « Cérès » (III) »//« Si haute était déjà l’eau dans la salle ». Le père reste, définitivement, une énigme pour le poète. Consacré aux souvenirs, le rêve se prolonge. Qu’ils sont interchangeables. selon les recommandations des projets correspondants. Il pénètre dans les pores du visage qui se couvre de taches. » Mais c’est aussi apercevoir pour la première fois. 5. On trouve la même ambivalence dans le verbe découvrir : « Je découvrais  ». Peut-être le visiteur ensommeillé a-t-il du mal à ouvrir les yeux ? Que je savais qui secouait la porte Pourtant, une fois de plus, le poète se reprend à espérer dans la poésie qui puise « sa beauté dans la vérité ». À qui adresser ses espoirs mais aussi ses interrogations et ses doutes. La dérision de Cérès Celle de la barque qui « semble fléchir de plus en plus sous le poids de l’homme et de l’enfant. L’enfant, déçu dans son attente, « maladroit » peut-être à attirer sur lui l’attention du père, « maladroit » à lui faire don de son désir de le voir reprendre le dessus sur sa vie, brouille les cartes au profit du père, afin « que celui qui perdait gagne ». La maison est saccagée par le désordre « les miroirs/Amoncelés partout ». Elle le conduit vers d’autres lieux du rêve. La maison natale n’est plus, comme jusqu’alors, la maison natale onirique. Celle de la montée progressive et sûre de l’eau qui « arrive », « franchit » le bord, « emplit la coque » malmenée par les « courants », « atteint le haut de ces grandes jambes ». Séquence Poésie / Yves Bonnefoy Ensemble des poèmes qui composent la section « La maison natale » / Recueil Les planches courbes Le soir, quand les enfants Ont pied, loin, et rient dans l’eau calme, et jouent encore.) Dans le Leurre des mots, La Maison natale, Les Planches courbes. À la question de l’enfant : « Un père, qu’est-ce que c’est ? La naissance mystérieuse et sacrée du jour nouveau peut se lire jusque dans les données les plus ordinaires du paysage, jusque « Dans les buissons du remblai. Associée à des images d’enfance heureuse, de bonheur insouciant, la mort, lointaine, repoussée aux confins du temps et de l’espace, n’a encore que la « couleur laiteuse » des origines, qui s’écoule, calme, dans l’euphorie des assonances en [u] : « Et en avant, ce serait bien la mort, /Mais de cette couleur laiteuse du bout des plages/Le soir, quand les enfants/ont pied, loin, et rient dans l’eau calme, et jouent encore. Ainsi, à trop se complaire dans les images narcissiques du rêve, le poète se noie dans les pièges d’un moi attaché à des présences illusoires. Le salut du passeur et de l’enfant qui passe par l’échange et le partage ; par l’acceptation des épreuves imposées ; par l’acceptation de la finitude propre à l’être humain. Cet épisode du passage se clôt sur un éventail de sensations auditives et visuelles : « le bruit de l’eau s’élargit sous les reflets, dans les ombres ». De sorte que la soif de Cérès devient « besoin de boire au bol de l’espérance ». QUATRIÈME POÈME Un voyage qui s’étire dans le temps : « Le train avait roulé toute la nuit ». Choix qui relève d’une véritable éthique. Les formes et les couleurs, que domine le « Noir », mis en relief par l’apposition en début de vers, sont brouillées par la nuit et par les « fumées ». Et « Dans le ciel illusoire des astres fixes », l’étoile est seule à « bouger ». Cette question implique que l’explication proposée par le géant a fait son chemin dans l’esprit de l’enfant et que l’enfant a investi le bon géant de toute sa confiance filiale. Le poème XI s’articule en deux temps, tous deux au présent de l’indicatif : « Et je repars »/« Et je vois ». TROISIÈME POÈME Peu à peu, une fois le rôle de christophore assuré, le géant reprend son rôle de passeur : « D’une main, il retenait l’enfant par une jambe, de l’autre il planta la perche dans l’eau »; il « put prendre alors la perche à deux mains, il la retira de la boue ». 4. Une continuité implicite est ainsi établie entre le monde onirique du premier poème et celui du second. En X surgit une autre maison natale, à la fois lieu du bonheur. Jusqu’au nombre de vers et à leur rythme : pour la vieille femme, un seul vers, très haché par des coupes abondantes; trois vers pour la Belle, avec une seule coupe interne qui met en relief le mot Belle.